Lettre autographe de George SAND

Lettre autographe de George SAND, signée, à Gustave Flaubert, acquise par Les Amis du musée en juillet 2020





Quatre pages in-8° sur papier estampé à son chiffre, Nohant, 5 février 1873

Je t’ai écrit hier à Croisset, Lina croyant que tu y étais retourné. Je te demandais un petit service que tu m’as déjà rendu, à savoir : prier ton frère d’accorder sa protection à mon ami Despruneaux pour son affaire qui va en cassation. Ma lettre te sera probablement renvoyée à Paris, aussi vite que t’arrivera celle-ci. Il s’agit d’écrire un mot à ton frère, si cela ne t’ennuie pas.

Qu’est-ce donc que cette bronchite obstinée ? Il n’y a qu’un remède, une dose minime, demi-centigramme acétate de morphine à prendre tous les soirs quand la digestion est faite, et pendant huit jours au moins. Je ne fais pas autre chose et je m’en tire toujours bien. J’en tire de même tous les miens. C’est si facile à faire et si vite fait ! C’est au bout de deux ou trois jours qu’on en sent le bon effet. J’attends ta guérison avec impatience, pour toi d’abord, et puis pour moi parce que tu viendras et que j’ai faim et soif de te voir.

Maurice est embarrassé pour répondre à ta question. Il n’a pas commis de fautes dans son exploitation et sait bien celles que les autres commettent ou peuvent commettre, mais il dit que cela varie à l’infini et que chaque faute est spéciale au milieu où l’on opère. Quand tu seras ici et qu’il saura bien ce que tu veux, il pourra te répondre pour tout ce qui concerne le centre de la France, et la géologie générale de la planète, s’il y a lieu à généraliser. Son raisonnement à lui a été celui-ci : ne pas innover de toutes pièces, mais pousser au développement de ce qui est en se servant toujours de la méthode établie par l’expérience. L’expérience ne peut jamais tromper, elle peut être incomplète, jamais menteuse.

Sur ce, je t’embrasse, je t’appelle, je t’attends, je t’espère et ne veux pourtant pas te tourmenter. Mais nous t’aimons, voilà qui est sûr, et nous voudrions t’infuser un peu de notre patience berrichonne à l’endroit des choses de ce monde qui ne sont pas drôles, nous le savons bien ! Mais pourquoi sommes-nous en ce monde si ce n’est pour patienter ?

Ton obstiné troubadour qui t’aime.

G. Sand.

Nohant, 5 février 73





Commentaires d'Yvan Leclerc :

Dans le 2e paragraphe, Sand s'intéresse à la santé de Flaubert. La lettre a sa place au Musée Flaubert et d'histoire de la médecine !

Le 3e paragraphe concerne une demande d'informations de Gustave Flaubert pour le chapitre de Bouvard et Pécuchet qui traite de l'agriculture*.

Belle lettre donc, avec de l'intime et de la littérature.

*Pour plus d’informations, ne manquez-pas de lire l’article d’Yvan Leclerc https://flaubert.univ-rouen.fr/revue/article.php?id=303 (à partir du § 5).